lundi 20 avril 2015

Nullité du Traité de Paris de 1898





 
La Nullité du Traité de Paris est une notion de droit créée par des juristes espagnols et hispano-américains au XIXe siècle. Les indépendantistes portoricains l'ont utilisé pour justifier les revendications du mouvement révolutionnaire anticolonialiste à Porto Rico, tandis que les juristes cubains l’emploient pour dénoncer l’irrégularité du contrat par lequel les États-Unis occupent aujourd'hui la Base navale de Guantánamo.
 
Escudo de Cuba española
Le gouvernement d'Antonio Cánovas del Castillo tomba comme conséquence de son assassinat commandité par les cubains5. Pour répondre à l’ultimatum du président McKinley et éviter la guerre, l’Espagne dut accorder alors l’Autonomie pleine à ses territoires d’outre-mer le 25 novembre 18976. La publication du Real Decreto ldu 27 de novembre 1897 dans la Gaceta de Madrid autorisa la formation d’un régime autonomiste à La Havane dirigé par José M. Gálvez Alonso. Mais c'était trop tard. La rapide défaite des forces navales espagnoles conduites par l’Amiral Pascual Cervera Topete à Santiago de Cuba le 16 juillet de 1898 mit fin à l'expérience. Cette capitulation indiqua au monde la fin d'un Empire et l'émergence d'un autre. Le Traité de de paix fut signé à Paris le 10 décembre1898.

Territoires et nationalités en litige

À la fin de la guerre hispano-cubaine nord-américaine en 1898, les régions cédées ou vendues par l’Espagne aux Caraïbes ou dans l’océan Pacifique passèrent sous contrôle des États-Unis. Le Traité de Paris signé le 10 décembre fixait les règles légales qui s’appliqueraient dans les anciennes provinces espagnoles conquises.L’article I du document exprimait clairement que l’Espagne renonçait à la souveraineté de l’île de Cuba7.En même temps il spécifiait que pendant la durée de l’occupation les « États-Unis prendraient à leur charge l’entière responsabilité du territoire et qu'ils accompliraient leurs obligations en conformité avec le Droit international ». Cependant, le Droit ne fut pas respecté, car les territoires occupés furent tout simplement annexés ou mis sous protectorat. C'est la raison par laquelle des spécialistes en droit international, surtout des Portoricains8 et Espagnols9 s’appuyant sur la base du droit de personnes soulignèrent les faiblesses légales du Traité.

Porto Rico

Le sujet reste méconnu en Europe, mais aussi en Amérique latine où l’histoire demeure un thème sensible. Le premier à développer des thèses pour invalider le Traité de Paris fut l'avocat portoricains Eugenio María de Hostos. Il considéra que la cession de l’île, sans prendre en considération le souhait de sa population, était tout simplement illégale. C’est pour cela que cinq mois avant la signature officielle du Traité, il fondera le 2 août 1898 la Ligue de patriotes 10 « pour remettre dans le droit à notre Mère île ».

Cuba

Le cas de Cuba était plus complexe, car les États-Unis intervinrent dans la guerre civile hispano-cubaine à la demande des rebelles indépendantistes. En effet, José Martí créa très tôt une section internationale du Parti révolutionnaire cubain afin de sensibiliser l’opinion publique nord-américaine à faveur de l’intervention. Le parti acheta au Congrès nord-américain la Joint resolution ou le Teller Amendment11 qui l'engageait à accorder l’indépendance de l'île une fois les opérations militaires terminées.

Droit de personnes

Pedro Albizu Campos12 et d’autres indépendantistes portoricains13 mirent au point une argumentation juridique pour démontrer la nullité du Traité14. Ils s’appuyaient sur le fait que les anciennes colonies espagnoles possédaient à l'époque une personnalité juridique propre : – l’Autonomie — accordée le 27 de novembre de 1897. En conséquence, l’Espagne ne pouvait pas – sous peine d’annulation — ni céder leur souveraineté ni les vendre sans que les ressortissants de ces régions ne soient pas consultés au préalable.
Dans un registre plus contemporain, l’avocat portoricain Jorge Morales Yordan15 fait état de plusieurs décisions de justice de la Cour suprême qui jugeaient irrecevable l’argument de A. Campos, car « le Souverain a le pouvoir et l’autorité pour céder sa propriété. Une fois que celle-ci fut transférée par la Reine et le gouvernement espagnol aux États-Unis, le manque de consentement de Porto Rico n’invalidait pas le Traité ».
Également, c’est une erreur de supposer que le Traité est nul puisqu'il ne fut pas validé par le Parlement, attendu qu’à l’époque l'avis des parlementaires était seulement consultatif. En effet, l'Espagne n’avait pas encore légiféré dans ce sens16. Toutefois, l’historien Alejandro Torres Rivera17 valide les thèses des indépendantistes portoricains, basées principalement sur le droit de personnes : « le Traite de Paris ne pouvait pas engager Porto Rico sans l’accord explicite de ses habitantes qui étaient des citoyens espagnols ». En effet, l’article IX du Traité, privait les natifs du droit d'option à la nationalité espagnole18 qui était acquis par le droit international dans les accords de cession de cette nature.

Le Courant Hispaniste en l’actualité

Les blessures du « Desastre » de 1898 comme c’est défini par les historiens espagnols dans les manuels ne sont pas encore renfermées. Germán Rueda résumait les raisons de cette catastrophe dans un récent travail 19. La défaite de 1898 déclencha une profonde remise en question du pays tout entier. Cependant, les interprétations et les causes du « déclin » divergent et restent un sujet de sensibles controverses en Espagne. Pour autant, le sort des anciens territoires d’outre-mer ne fut pas scellé avec la signature du Traité, car son insuffisance légale et l’anomalie du statut juridique de Porto Rico rendent envisageable aujourd'hui la décolonisation ou... sa dévolution à l'Espagne
Francisco Gonzalez Sosa dans son travail Descolonizando a Puerto Rico20 justifie cette idée avec l’argument que l'île n’est pas aussi important qu’autrefois pour les États-Unis. Il démontre que l'Union américaine refusa à plusieurs reprises son intégration en tant qu’État de plein droit. Dernièrement, des mouvements citoyens qui soutiennent la réunification avec l'Espagne sont apparus récemment à Porto Rico et à Cuba21,22. Ils représentent une tendance de fond qui pourrait se greffer dans le débat espagnol sur le fédéralisme qui agite actuellement la politique péninsulaire, après que la Catalogne annonçât unilatéralement son souhait d’indépendance dans les manifestations du mois de septembre 2012.
Il est fort improbable que l’Espagne en demande l’annulation du Traité, vu que le pays n'a pas les moyens (et possiblement aucune envie) d’en imposer sa révision aux États-Unis. Par contre, des initiatives juridiques des Portoricains et Cubains qui réclameraient, individuellement, leurs droits à la citoyenneté espagnole auprès des tribunaux européens impacteraient les gouvernements concernés. La crise économique et les incertitudes sur l'avenir de Cuba ajoutent de l’intérêt au débat, car selon le journal El País23, grâce à la Loi de grands-parents, Cuba sera la « province espagnole » numéro 38 par population, devançant d’autres communautés autonomes péninsulaires telles que La Rioja. L’île sera bientôt le troisième pays du monde accueillant plus d'Espagnols, après l'Espagne et l'Argentine.

Notes et références

  1. ECURED, Enciclopedia cubana, Nulidad del Tratado de París [archive]
  2. Estudio histórico-jurídico de los tratados de liquidación del Imperio español de Ultramar el Tratado de París de 10 de diciembre de 1898 y el de Madrid de 30 de junio de 1899
  3. Velázquez v. Peuple of Porto Rixo. Circuit Court of Appeals, First Circuit. April 12, 1935. [archive]
  4. Los instrumentos de Derecho Internacional y la invalidez jurídica de la presencia militar norteamericana en la Bahía de Guantánamo [archive]
  5. Fernández, Frank : La sangre de Santa Águeda : Angiolillo, Betances y Cánovas, Miami, Universal, 1994, 186 págs.
  6. Gaceta de Madrid, 27/11/1897. no 331
  7. L'Espagne abandonne tout droit et titre de souveraineté sur Cuba. [archive]
  8. Campus Albizu. Escritos. Publicaciones Puertorriqueñas, 2007
  9. Labra y Cadrana, Rafael María de : Aspecto internacional de la cuestión de Cuba, Madrid, (s.n.), 1900, pág.284.
  10. Ligue des Patriotes Portoricains [archive]
  11. Teller Amendment
  12. Pedro Albizu Campos, "Nulidad del Tratado de Paris", Escritos, Publicaciones Puertorriqueñas Editores, 2007.
  13. Oraa Luis M. Hostos y la Literatura. Colection Ensayo no 4, p. 33
  14. Mari Bras Juan. Ciudadanía nacional de Puerto Rico. [archive]
  15. Fernos Lopez-Cepero Antonio. Ser Nosotros mismos.
  16. Santaolalla López Fernando, La ley y la Autorización de la Cortes a los Tratados internacionales.
  17. Torres Rivera Alejandro. Perspectivas hostosianas. Ed Calameo. 2009
  18. Les droits civils et la situation politique des habitants indigènes des pays cédés par le présent aux États-Unis seront fixés par le Congrès. [archive]
  19. El "desastre" del 98 y la actitud norteamericana. Rueda Germán. Universidad de Cantabria
  20. Gonzáles Sosa Francisco. Descolonizando a Puerto Rico. Universidad de Puerto Rico.
  21. Puerto Rico y Cuba ¿Dos nuevas comunidades autónoma s en el Caribe ?, ABC, 01/07/2014 [archive]
  22. Boricuas buscan la anexión a España, El Nuevo día [archive], 12/06/2014
  23. Margallo se va de Cuba sin conseguir que le reciba Raúl Castro. EL PAÍS, 25 novembre 2014. [archive]

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